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OTHON L’ARCHER

rieusement au landgrave, dans la petite chambre où il s’était retiré avec Karl, était ce même Godefroy dont la présence avait fait naître dans l’heureuse famille le premier trouble qui eût obscurci son bonheur. Il venait lui dire qu’il croyait être sûr, d’après quelques paroles qu’il avait entendues, qu’Emma avait accordé un rendez-vous à Albert, qui devait partir dans la nuit même pour l’Italie, où il allait commander un corps de troupes qu’y envoyait l’empereur ; la certitude de cette trahison était au reste facile à acquérir : le rendez-vous était donné à l’une des portes du château, et Emma devait traverser tout le jardin pour s’y rendre.

Une fois entré dans la voie du soupçon, on ne s’arrête plus ; aussi le landgrave, voulant, à quelque prix que ce fût, acquérir une certitude, étouffa-t-il ce sentiment généreux et instinctif qui fait que tout homme de cœur répugne à s’abaisser au métier d’espion ; il rentra dans sa chambre avec Godefroy, et, entrouvrant la fenêtre qui donnait sur le jardin, il attendit avec anxiété cette dernière preuve qui devait amener chez lui une décision encore incertaine. Godefroy ne s’était pas trompé.

Vers les quatre heures du matin, Emma descendit le perron, traversa furtivement le jardin et s’enfonça dans un massif d’arbres qui cachait la porte. Cette disparition dura dix minutes à peu près ; puis elle revint jusqu’au perron en compagnie d’Albert, au bras du-