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OTHON L’ARCHER

avait été combattre les infidèles, mais en Terre Sainte : les liens de parenté, le renom qu’il avait acquis dans la croisade, un certain luxe qui annonçait que sa foi avait porté plutôt le caractère de l’exaltation que celui du désintéressement, lui avaient ouvert les portes du château de Godesberg comme à un hôte distingué ; puis bientôt Hombourg et Albert s’étant éloignés, il était arrivé à rendre sa société à peu près indispensable au landgrave Ludwig, qui l’avait retenu lorsqu’il avait voulu s’en aller. Godefroy était donc établi au château, non plus comme hôte, mais sur le pied de commensal.

L’amitié a sa jalousie comme l’amour : soit prévention, soit réalité, Albert crut voir que Ludwig le recevait avec plus de froideur que de coutume ; il s’en plaignit à Emma, qui lui dit que, de son côté, elle s’apercevait de quelque changement dans les manières de son mari à son égard.

Albert resta quinze jours à Godesberg, puis, sous prétexte que Ronsdorf réclamait sa présence pour des réparations indispensables, il traversa le fleuve et la petite gorge de montagnes qui séparaient seuls un domaine de l’autre et quitta le château.

Au bout de quinze jours, il reçut des nouvelles d’Emma. Elle ne comprenait rien au caractère de son mari ; mais, de doux et bienveillant qu’elle l’avait toujours connu, il était devenu défiant et taciturne. Il n’y avait