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LES FRÈRES CORSES

l’aplomb ordinaire qui nous caractérise, nous autres Français, quand nous nous hasardons à parler une langue étrangère.

— Eh ! sans doute, repris-je commençant à m’impatienter ; cette dame est veuve, n’est-ce pas ?

— Oui, Excellence.

— Eh bien, recevra-t-elle chez elle un jeune homme ?

En 1841, j’avais trente-six ans et demi, et je m’intitulais encore jeune homme.

— Si elle recevra un jeune homme ? répéta le guide. Eh bien, qu’est-ce que cela peut donc lui faire, que vous soyez jeune ou vieux ?

Je vis que je n’en tirerais rien si je continuais à employer ce mode d’interrogation.

— Et quel âge a madame Savilia ? demandai-je.

— Quarante ans, à peu près.

— Ah ! fis-je répondant toujours à mes propres pensées, alors à merveille ; et des enfants, sans doute ?

— Deux fils, deux fiers jeunes gens.

— Les verrai-je ?

— Vous en verrez un, celui qui demeure avec elle.

— Et l’autre ?

— L’autre habite Paris.

— Et quel âge ont-ils ?

— Vingt et un ans.

— Tous deux ?

— Oui, ce sont des jumeaux.