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LES FRÈRES CORSES

pâle qu’il était, devint livide. Puis il passa sa main entre sa cravate et son cou comme si sa cravate l’étouffait.

On ne peut se faire une idée du sentiment de terreur involontaire avec lequel je regardais ce jeune homme, beau, riche, élégant, qui, la veille au matin, croyait avoir encore de longues années à vivre, et qui, aujourd’hui, la sueur au front, l’angoisse au cœur, se sentait condamné.

— Y êtes-vous, messieurs ? demanda M. de Châteaugrand.

— Oui, répondit Lucien.

M. de Château-Renaud fit un geste affirmatif.

Quant à moi, n’osant envisager cette scène en face, je me retournai.

J’entendis les deux coups frappés successivement dans la main, et, au troisième, la détonation des deux pistolets.

Je me retournai.

M. de Château-Renaud était étendu sur le sol, tué roide, sans avoir poussé un soupir, sans avoir fait un mouvement.

Je m’approchai du cadavre, mû par cette invincible curiosité qui vous pousse à suivre jusqu’au bout une catastrophe ; la balle lui était entrée à la tempe, à l’endroit même qu’avait indiqué Lucien.

Je courus à lui ; il était resté calme et immobile ;