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LES FRÈRES CORSES

Les deux jeunes gens prirent chacun un pistolet, mesurèrent rigoureusement la même charge de poudre, prirent au hasard deux balles, et les enfoncèrent dans le canon avec le maillet.

Pendant cette opération, à laquelle je n’avais voulu prendre aucune part, je m’approchai de Louis, qui me reçut le sourire sur les lèvres.

— Vous n’oublierez rien de ce que je vous ai demandé, me dit-il, et vous obtiendrez de Giordano, auquel je le demande, au reste, par la lettre que je lui ai remise, qu’il ne raconte rien, ni à ma mère, ni à mon frère. Veillez aussi à ce que les journaux ne parlent point de cette affaire, ou, s’ils en parlent, à ce qu’ils ne mettent point les noms.

— Vous êtes donc toujours dans cette terrible conviction que le duel vous sera fatal ? lui demandai-je.

— J’en suis plus convaincu que jamais ; mais vous me rendrez cette justice au moins, n’est-ce pas ? que j’ai regardé venir la mort en vrai Corse.

— Votre calme, mon cher de Franchi, est si grand, qu’il me donne cet espoir que vous n’êtes pas bien convaincu vous-même.

Louis tira sa montre.

— J’ai encore sept minutes à vivre, dit-il ; tenez, voilà ma montre ; gardez-la, je vous prie, en souvenir de moi : c’est une excellente Bréguet.

Je pris la montre en serrant la main de Franchi.