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LES FRÈRES CORSES

Il passe par des chemins où Balmat lui-même eût mis des crampons, et sur des ponts où Auriol demanderait un balancier.

Quant au voyageur, il n’a qu’à fermer les yeux et à laisser faire l’animal : le danger ne le regarde pas.

Ajoutons qu’avec ce cheval qui passe partout, on peut faire une quinzaine de lieues tous les jours, sans qu’il vous demande ni à boire ni à manger.

De temps en temps, quand on s’arrête pour visiter un vieux château bâti par quelque seigneur, héros et chef d’une tradition féodale, pour dessiner une vieille tour élevée par les Génois, le cheval tond une touffe d’herbe, écorce un arbre ou lèche une roche couverte de mousse, et tout est dit.

Quant au logement de chaque nuit, c’est bien plus simple encore : le voyageur arrive dans un village, traverse la rue principale dans toute sa longueur, choisit la maison qui lui convient et frappe à la porte. Un instant après, le maître ou la maîtresse paraît sur le seuil, invite le voyageur à descendre, lui offre la moitié de son souper, son lit tout entier s’il n’en a qu’un, et, le lendemain, en le reconduisant jusqu’à la porte, le remercie de la préférence qu’il lui a donnée.

De rétribution quelconque, il est bien entendu qu’il n’en est aucunement question : le maître regarderait comme une insulte la moindre parole à ce sujet. Si la maison est servie par une jeune fille, on peut lui offrir