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du lion, mais on ne doit pas espérer d’y dormir tranquille.


Les deux fugitifs montèrent à cheval. — Page 705.

Philippe prêta l’oreille à tous les bruits, il laissa osciller son cœur au souffle de toutes les épouvantes ; mais, confiant dans sa force, doublée par l’exagération de sa résolution suprême, il attendit sans faiblesse qu’une circonstance décisive lui permît de se juger lui-même. Il espéra qu’un grand danger luirait pour lui, comme ces phosphores de la tempête qui montrent aux navigateurs la hauteur des vagues contre lesquelles ils luttent.

Mais rien ne vint. Le silence, ce mortel ennemi des cœurs inquiets, ce mortel ennemi des ambitieux, enveloppa toute la nuit, dans son épaisse vapeur, le futur roi de France, abrité sous sa couronne volée.

Vers le matin, une ombre bien plutôt qu’un corps se glissa dans la chambre royale ; Philippe l’attendait et ne s’en étonna pas.

— Eh bien, monsieur d’Herblay ? dit-il.

— Eh bien, sire, tout est fini.

— Comment ?

— Tout ce que nous attendions.

— Résistance ?

— Acharnée : pleurs, cris.

— Puis ?

— Puis la stupeur.

— Mais enfin ?

— Enfin, victoire complète et silence absolu.

— Le gouverneur de la Bastille se doute-t-il ?…

— De rien.

— Cette ressemblance ?

— Est la cause du succès.

— Mais le prisonnier ne peut manquer de s’expliquer, songez-y. J’ai bien pu le faire, moi