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Cette épée souillée n'a plus désormais d'autre fourreau que mon cœur ou le vôtre. — Page 620.

Il donna le conseil à Grimaud de conduire les chevaux dans la petite rue Jean-Beausire, afin d’éveiller moins de soupçons, et lui-même, avec sa vue perçante, il guetta la sortie de d’Artagnan ou celle du carrosse.

C’était le bon parti. En effet, vingt minutes ne s’étaient pas écoulées, que la porte se rouvrit et que le carrosse reparut. Un éblouissement empêcha Raoul de distinguer quelles figures occupaient cette voiture. Grimaud jura qu’il avait vu deux personnes, et que son maître était une des deux. Porthos regardait tour à tour Raoul et Grimaud, espérant comprendre leur idée.

— Il est évident, dit Grimaud, que, si M. le comte est dans ce carrosse, c’est qu’on le met en liberté, ou qu’on le mène à une autre prison.

— Nous l’allons bien voir par le chemin qu’il prendra, dit Porthos.

— Si on le met en liberté, dit Grimaud, on le conduira chez lui.

— C’est vrai, dit Porthos.

— Le carrosse n’en prend pas le chemin, dit Raoul.

Et, en effet, les chevaux venaient de disparaître dans le faubourg Saint-Antoine.

— Courons, dit Porthos ; nous attaquerons le carrosse sur la route, et nous dirons à Athos de fuir.

— Rébellion ! murmura Raoul.

Porthos lança à Raoul un second regard, digne pendant du premier. Raoul n’y répondit qu’en serrant les flancs de son cheval.

Peu d’instants après, les trois cavaliers avaient rattrapé le carrosse et le suivaient de si près, que l’haleine des chevaux humectait la caisse de la voiture.