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Il faut partir et vivre,
Ou rester ou mourir.

— Bonjour, mon cher Aramis, répliqua la duchesse.

Il la conduisit à un salon élégamment meublé, dont les fenêtres hautes s’empourpraient des derniers feux du jour tamisés par les cimes noires de quelques sapins.

Tous deux s’assirent côte à côte.

Ils n’eurent ni l’un ni l’autre la pensée de demander de la lumière, et s’ensevelirent ainsi dans l’ombre comme ils eussent voulu s’ensevelir mutuellement dans l’oubli.

— Chevalier, dit la duchesse, vous ne m’avez plus donné signe d’existence depuis notre entrevue de Fontainebleau, et j’avoue que votre présence, le jour de la mort du franciscain, j’avoue que votre initiation à certains secrets m’ont donné le plus vif étonnement que j’aie eu de ma vie.

— Je puis vous expliquer ma présence, je puis vous expliquer mon initiation, dit Aramis.

— Mais, avant tout, répliqua vivement la duchesse, parlons un peu de nous. Voilà longtemps que nous sommes de bons amis.

— Oui, Madame, et, s’il plaît à Dieu, nous le serons, sinon longtemps, du moins toujours.

— Cela est certain, chevalier, et ma visite en est un témoignage.

— Nous n’avons plus à présent, madame la duchesse, les mêmes intérêts qu’autrefois, dit Aramis en souriant sans crainte dans cette pénombre, car on n’y pouvait deviner que son sourire fût moins agréable et moins frais qu’autrefois.

— Aujourd’hui, chevalier, nous avons d’autres intérêts. Chaque âge apporte les siens, et comme nous nous comprenons aujourd’hui, en