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Elle s'y glissa comme une ombre pâle et disparut aux yeux de d'Artagnan. — Page 512.

— Oui, je comprends, dit-elle ; vous êtes amoureux en France.

Raoul s’inclina.

— Le duc connaît-il cet amour ?

— Nul ne le sait, répondit Raoul.

— Et pourquoi me le dites-vous, à moi ?

— Mademoiselle…

— Allons, parlez.

— Je ne puis.

— C’est donc à moi d’aller au-devant de l’explication ; vous ne voulez rien me dire, à moi, parce que vous êtes convaincu maintenant que je n’aime point le duc, parce que vous voyez que je vous eusse aimé peut-être, parce que vous êtes un gentilhomme plein de cœur et de délicatesse, et qu’au lieu de prendre, ne fût-ce que pour vous distraire un moment, une main que l’on approchait de la vôtre, qu’au lieu de sourire à ma bouche qui vous souriait, vous avez préféré, vous qui êtes jeune, me dire, à moi qui suis belle : « J’aime en France ! » Eh bien, merci monsieur de Bragelonne, vous êtes un noble gentilhomme, et je vous en aime davantage… d’amitié. À présent, ne parlons plus de moi, parlons de vous. Oubliez que miss Graffton vous a parlé d’elle ; dites-moi pourquoi vous êtes triste, pourquoi vous l’êtes davantage encore depuis quelques jours ?

Raoul fut ému jusqu’au fond du cœur à l’accent doux et triste de cette voix ; il ne put trouver un mot de réponse ; la jeune fille vint encore à son secours.

— Plaignez-moi, dit-elle. Ma mère était Française. Je puis donc dire que je suis Française