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Marcotte reparut à un endroit où l’Ourcq fait un coude, battit l’eau de ses bras, parvint à dégager son visage, cria une dernière fois :

– Au retour, chiens ! au retour !…

Mais l’eau, en revenant sur sa bouche, étouffa la dernière syllabe du dernier mot, et ce ne fut qu’un quart d’heure après que l’on retrouva son corps sur un petit banc de sable où le courant l’avait amené.

Marcotte était mort.

Cet accident eut de funestes résultats pour le seigneur Jean.

En noble homme qu’il était, il ne haïssait pas le bon vin, et cela l’avait un tant soit peu prédisposé aux coups de sang.

Or, la commotion qu’il ressentit en face du cadavre de son serviteur fut tellement vive, que le sang, affluant avec violence vers le cerveau, y détermina une apoplexie.

Thibault fut épouvanté de l’exactitude scrupuleuse avec laquelle le loup noir avait rempli ses engagements. Il ne songeait pas sans un certain frisson à la ponctualité que maître Isengrin était en droit d’exiger en retour de la sienne. Puis il se demandait avec inquiétude si le gaillard serait loup à se contenter toujours de quelques cheveux, – et cela d’autant plus qu’au moment du souhait et dans les quelques secondes qui l’avaient suivi, c’est-à-dire au moment de son accomplissement, il n’avait ressenti aucune impression dans le cuir chevelu, pas même le plus petit chatouillement.

Le cadavre du pauvre Marcotte lui produisit un assez vilain effet. Sincèrement, il ne l’aimait point et se croyait fondé à ne point l’aimer ; mais son aversion pour le défunt n’avait jamais été jusqu’à souhaiter sa mort, et le loup avait évidemment outrepassé ses souhaits.