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lorsqu’ils remonteraient sur l’autre rive, il espérait rompre la meute.

Il lança son cheval dans la direction de la rivière et d’un bond fut au milieu du courant.

Tous deux, cheval et cavalier, étaient tombés à l’eau avec assez de bonheur.

Mais, par malheur, comme nous l’avons déjà dit, la rivière était horriblement grossie par les pluies ; le cheval ne put tenir contre le courant : il tournoya plusieurs fois sur lui-même et disparut.

De son côté, Marcotte, voyant son cheval perdu, voulut l’abandonner pour gagner la rivière.

Mais ses pieds étaient si fortement engagés dans les étriers, qu’il ne put les en retirer, et disparut trois secondes après son cheval.

Pendant ce temps, le baron était arrivé avec ses gens au bord de la rivière, et sa colère s’était tout simplement métamorphosée en désespoir quand il avait pu se rendre compte de la situation critique de son piqueur.

Le seigneur de Vez aimait sincèrement ceux qui le servaient dans ses plaisirs, autant les hommes que les bêtes.

Il cria de toute la force de ses poumons :

– Mille tonnerres du diable ! sauvez Marcotte ! Vingt-cinq louis, cinquante louis, cent louis à celui qui le sauvera !

Hommes et chevaux sautèrent à l’eau à l’envi comme des grenouilles effrayées.

Lui-même poussa son cheval à la rivière ; mais on le retint, et l’on mit tant d’empressement à empêcher le digne seigneur d’exécuter son héroïque projet, que le témoignage d’affection donné au maître devint fatal au malheureux piqueur.

On l’oublia pendant une minute.

Cette minute suffit pour le perdre.