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Ces hommes, c’étaient les piqueurs et les valets de chiens du seigneur de Vez.

La route de la Chrétiennelle a près de trois quarts de lieue de long.

Thibault fut donc quelque temps à distinguer ce que faisaient ces hommes qui lui paraissaient marcher d’un pas lent et solennel, pareil à celui d’un convoi mortuaire.

Mais, quand ces hommes ne furent plus qu’à cinq cents pas, Thibault s’aperçut qu’ils portaient deux civières.

Sur ces deux civières, deux corps inanimés étaient étendus :

Celui du seigneur Jean et celui de son piqueur Marcotte.

Une sueur froide lui passa sur le front.

– Oh ! oh ! dit-il, qu’est-ce que cela ?

Voici ce qui était arrivé :

Tant que le daim s’était tenu sous le couvert, l’expédient dont Thibault avait usé pour donner le change aux chiens avait eu un heureux résultat.

Mais, en faisant un retour du côté de Marolle, la bête, traversant une bruyère, vint passer à dix pas du seigneur Jean.

Celui-ci crut d’abord que le daim s’était levé d’effroi au bruit des chiens et se dérobait.

Mais, derrière lui, à cent pas à peine, il vit paraître la meute tout entière, quarante chiens courant, jappant, hurlant, criant les uns en basse comme des bourdons de cathédrale, les autres à voix pleine comme des tam-tams, les autres en fausset comme des clarinettes qui détonnent, tous y allant à pleine gorge, avec autant de cœur et de liesse que si jamais ils n’eussent humé l’odeur d’un autre animal.

Le seigneur Jean entra alors dans une de ces colères