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– C’est ce que nous verrons, maître Thibault. Et maintenant, retourne à ta besogne, je retourne à la mienne.

– Adieu, seigneur loup.

– Au revoir, maître Thibault.

À peine le loup avait-il prononcé ces mots au revoir, sur lesquels il avait appuyé d’une sensible façon, qu’il disparut comme une pincée de poudre à laquelle on met le feu, et, comme une pincée de poudre, laissant une odeur de soufre. Thibault resta un instant abasourdi. Il ne pouvait s’habituer à cette manière de faire sa sortie, comme on dit en terme de théâtre ; il regarda de tous les côtés : plus de loup. Le sabotier crut un instant qu’il avait été le jouet d’une vision. Mais, en abaissant les yeux, il vit la bague diabolique à l’annulaire de sa main droite. Thibault la tira de son doigt et l’examina. Il lui sembla qu’il y avait un chiffre gravé dans l’intérieur de la bague, et il reconnut qu’il se composait de deux lettres, un T et un S.

– Ah ! ah ! dit-il avec une sueur froide. Thibault et Satan, les noms de famille des deux parties contractantes. Ma foi, tant pis ! quand on se donne au diable, il faut s’y donner de bon cœur.

Et Thibault, pour se griser, entonna une chanson.

Mais sa voix avait un si singulier accent, qu’elle lui fit peur à lui-même.

Il se tut donc, et, pour se distraire, se remit à l’ouvrage.

Mais, au troisième ou quatrième coup de paroir qu’il donna à son sabot, il entendit dans le lointain, du côté de Baisemont, une reprise de la meute et une reprise du cor du baron.