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sentir qu’il prenait le dessus, quelle sera ma récompense ?

– Comment, ta récompense ? Et le daim ? dit le loup.

– Et la jatte d’eau ? dit Thibault. Nous sommes quittes, mon brave loup. Maintenant, faisons de nouvelles affaires, si vous voulez, je ne demande pas mieux.

– Soit ! Que veux-tu de moi ? Parle vite.

– Il y a, dit Thibault, des gens qui abuseraient de leur position et de la vôtre, et qui demanderaient des choses par-dessus les maisons : de les faire riches, puissants, nobles, que sais-je, moi ! Je ne les imiterai pas : hier, j’ai souhaité le daim, et vous me l’avez donné, c’est vrai ; mais, demain, je souhaiterai autre chose. Depuis quelque temps, c’est une folie qui s’est emparée de moi, je ne fais que souhaiter, et vous, vous n’aurez pas toujours du temps à perdre à m’écouter. Faites donc une chose : accordez-moi, puisque vous êtes le diable en personne ou quelque chose d’approchant, accordez-moi le don de voir se réaliser tout ce que je désirerai.

Le loup fit une grimace moqueuse.

– Rien que cela ? dit-il. La péroraison cadre mal avec l’exorde.

– Oh ! reprit Thibault, soyez tranquille, mes vœux sont honnêtes et mesurés, et tels qu’ils conviennent à un pauvre paysan comme moi : quelques misérables coins de terre, quelques méchants brins de bois, voilà tout ce que peut vouloir un homme de mon espèce.

– Je ferais avec grand plaisir ce que tu me demandes, dit le loup ; mais la chose m’est tout simplement impossible.

– Alors, il faut vous résigner à passer par ces terribles dogues.