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C’était la première fois que Thibault entendait rire un loup.

Il avait entendu dire souvent que les loups aboyaient comme des chiens.

Mais il n’avait jamais entendu dire que les loups riaient comme des hommes.

Et de quel rire encore !

Un homme qui eût ri comme ce loup eût fort effrayé Thibault.

Il laissa retomber son bras déjà levé.

– Par le seigneur au pied fourchu, dit le loup d’une voix pleine et sonore, voilà un gaillard auquel, sur sa demande, j’envoie le plus beau daim des forêts de Son Altesse Royale, et qui, pour ma récompense, veut me fendre la tête d’un coup de hache ; reconnaissance humaine bien digne de hurler avec la reconnaissance des loups.

En entendant une voix pareille à la sienne sortir du corps de l’animal, les genoux de Thibault commencèrent à flageoler, et la hache lui tomba des mains.

– Voyons, continua le loup, soyons raisonnables et causons comme deux bons amis. Tu as désiré hier le daim du baron Jean, et je l’ai conduit moi-même dans ton étable ; et, de peur qu’il ne t’échappât, je l’ai attaché moi-même au râtelier ; cela vaut mieux qu’un coup de hache, il me semble.

– Sais-je qui vous êtes ? répondit Thibault.

– Ah ! tu ne m’avais pas reconnu ! voilà une raison.

– J’en appelle à vous-même : pouvais-je soupçonner un ami sous cette vilaine peau ?

– Vilaine ! dit le loup en lustrant son poil avec une langue rouge comme du sang ; peste ! tu es difficile. Mais il n’est point question de ma peau. Voyons, es-tu disposé à reconnaître le service que je t’ai rendu ?

– Certainement, dit le sabotier avec un certain em-