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avec ses deux grands yeux de velours noir, rendus plus expressifs encore par la crainte qui l’agitait.

– J’aurai laissé la porte ouverte, murmura le sabotier se parlant à lui-même, et le daim, ne sachant plus où se fourrer, sera venu se réfugier ici.

Mais, en recueillant ses souvenirs, Thibault se rappela parfaitement que, lorsqu’il avait pour la première fois ouvert l’étable, dix minutes auparavant, le verrou de bois qui fermait la porte était si bien poussé, qu’il avait dû se servir d’un caillou pour le faire sortir de la gâche.

D’ailleurs, la chèvre, qui, ainsi qu’on l’a vu, ne paraissait pas tenir à la société du nouveau venu, eût profité pour fuir de l’ouverture de cette porte, si elle eût été ouverte.

Puis, en y regardant de plus près, Thibault s’aperçut que le daim était attaché au râtelier par une corde.

Quoique, nous l’avons déjà dit, le sabotier fût assez brave, une sueur froide commença de perler à grosses gouttes à la racine de ses cheveux, un frisson singulier parcourut tout son corps, et ses dents claquèrent en s’entrechoquant.

Il sortit de son étable, en ferma la porte et s’en alla retrouver sa chèvre, qui avait, pour fuir, profité du moment où le sabotier était venu chercher une lumière, et qui était couchée au coin de l’âtre, en apparence très décidée cette fois à ne plus quitter une place qu’elle paraissait, ce soir-là du moins, préférer de beaucoup à son gîte ordinaire.

Thibault se rappelait parfaitement le vœu impie qu’il avait adressé à Satan ; mais, tout en reconnaissant que ce vœu avait été miraculeusement exaucé, il ne pouvait croire à sa diabolique intervention.

Cependant, comme cette protection de l’esprit des