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Mais Thibault garda le plus profond silence.

– Monseigneur, dit Engoulevent, si vous le désirez…

Et il fit signe qu’il était prêt à monter à l’arbre.

– Non pas, non pas, dit le baron.

Et en même temps qu’il lui faisait défense de la voix, il lui faisait aussi défense de la main.

– Hé ! l’ami ! reprit le baron toujours sans reconnaître Thibault, te plairait-il de me répondre, oui ou non ?

Il fit une petite pause.

– Ah ! c’est non, à ce qu’il paraît ; tu fais le sourd ; attends, attends, je vais prendre mon porte-voix.

Et il tendit la main vers Marcotte, qui, devinant ce que voulait le baron, lui tendit sa carabine.

Thibault, qui cherchait à donner le change aux chasseurs, feignait de couper des branches mortes, et il mettait tant d’ardeur à cette feinte occupation, qu’il ne vit pas le geste du seigneur Jean, ou, s’il le vit, crut que c’était un simple geste de menace et n’y attacha pas l’importance qu’il méritait. Le louvetier attendit quelque temps la réponse demandée ; mais, voyant qu’elle ne venait pas, il pressa la gâchette ; le coup partit et l’on entendit le craquement d’une branche.

La branche qui craquait était celle où était perché Thibault.

Le fin tireur l’avait brisée entre le tronc de l’arbre et le pied du sabotier.

Privé du point d’appui qui le soutenait, Thibault roula de branche en branche. Par bonheur, l’arbre était touffu, les branches étaient fortes ; ces obstacles ralentirent la rapidité de sa chute, et, de ricochet en en ricochet, Thibault finit par se trouver sur le sol sans autre dommage qu’une grande peur et quelques menues contusions sur la partie de son corps qui avait touché terre la première.