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crurent pouvoir le franchir, et Thibault fut, jusqu’au fond de sa retraite, éclaboussé par l’eau qui jaillissait de tous côtés à la chute de leurs corps.

Mais, moins heureux et moins vigoureux que lui, ils ne purent dompter la violence du courant. Après d’impuissants efforts, ils disparurent emportés par lui, sans avoir éventé la retraite du loup-garou.

Celui-ci entendait au-dessus de sa tête le trépignement des chevaux, les abois de ce qui restait de la meute, les cris des hommes, et, par-dessus tous ces cris, les imprécations du seigneur Jean, dont la voix dominait toutes les autres voix.

Ensuite, et lorsque le dernier chien tombé dans le torrent eut, comme le reste de la meute, été emporté par le courant, il vit, grâce à un coude, les chasseurs se diriger en aval de la rivière.

Convaincu que le seigneur Jean, qu’il reconnaissait à la tête de ses piqueurs, n’agissait ainsi que pour la remonter ensuite, il ne voulut pas l’attendre.

Il quitta sa retraite.

Tantôt nageant, tantôt sautant avec adresse d’une roche à l’autre, tantôt marchant dans l’eau, il remonta l’Ourcq jusqu’à l’extrémité du buisson de Crêne.

Arrivé là, et certain d’avoir sur ses ennemis une avance considérable, il résolut de gagner un village et de ruser autour des maisons, pensant bien que ce n’était point là qu’on viendrait le chercher.

Il pensa à Préciamont.

Si un village lui était connu, c’était celui-là.

Puis, à Préciamont, il serait près d’Agnelette.

Il lui semblait que ce voisinage lui donnerait de la force et lui porterait bonheur, et que la douce image de la chaste enfant pourrait avoir quelque influence sur sa bonne ou sa mauvaise fortune.

Thibault se dirigea donc de ce côté.