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jours, le délire atteignit les proportions de la folie.

Elle s’accusait de la mort de son mari ; elle l’appelait, elle demandait grâce pour lui à des esprits invisibles qui obsédaient jusqu’aux courts instants de sommeil que l’exaltation de son cerveau lui permettait de prendre.

Elle prononçait le nom de Thibault et s’adressait au maudit avec des supplications qui tiraient les larmes des yeux de tous ceux qui l’entendaient.

Comme dans tout ce que racontait sa folie, malgré l’incohérence des paroles, les faits réels se faisaient jour, on comprenait que le meneur de loups était mêlé au funeste événement qui avait causé la mort du pauvre Étienne. En conséquence, on accusait l’ennemi commun d’avoir jeté un sort sur les deux malheureux enfants, et l’animadversion que l’on portait à l’ancien sabotier s’en était encore accrue.

On eut beau appeler le médecin de Villers-Cotterêts et celui de la Ferté-Milon, l’état d’Agnelette ne fit qu’empirer : ses forces s’en allèrent décroissant ; sa voix, au bout de quelques jours, devint plus faible et plus brève, quoique son délire demeurât toujours aussi violent, et tout faisait croire, même le silence des médecins, que la pauvre Agnelette ne tarderait point à suivre son mari dans la tombe.

La voix de la vieille aveugle avait seule le pouvoir de diminuer sa fièvre. Lorsqu’elle entendait parler la grand-mère, Agnelette se calmait, ses yeux fixés et hagards s’adoucissaient et s’humectaient de larmes ; elle passait sa main sur son front comme pour en chasser une pensée importune, et un triste sourire se dessinait rapide et fugitif sur ses lèvres.

Un soir, à la tombée de la nuit, Agnelette reposait d’un sommeil plus agité et plus pénible encore que d’habitude.