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connais, s’écria la jeune femme, et c’est pour cela que j’ai peur !

Alors, se mettant à genoux et joignant les mains :

– Ne me tuez pas, Thibault ! Ne me tuez pas ! La vieille grand-mère aurait trop de chagrin ! Thibault, ne me tuez pas !

Le meneur de loups resta consterné.

À cette heure seulement, il comprenait l’effroyable renommée qu’il s’était acquise, et cela par la terreur que sa vue inspirait à la femme qui l’avait aimé et que lui aimait toujours.

Il eut un moment d’horreur pour lui-même.

– Moi, vous tuer, Agnelette ! dit-il, lorsque je veux vous arracher à la mort ! Oh ! il faut que vous ayez une bien grande haine contre moi pour qu’une pareille pensée vous soit venue.

– Je ne vous hais pas, Thibault, répondit la jeune femme ; mais on dit tant de choses de vous dans la plaine, que vous me faites peur.

– Et parle-t-on de celle dont la trahison a amené Thibault à commettre tous ces crimes ?

– Je ne vous comprends pas, dit Agnelette en regardant Thibault avec ses grands yeux couleur de ciel.

– Comment ! dit Thibault, vous ne comprenez pas que je vous aimais… que je vous adorais, Agnelette, et que votre perte m’a rendu fou ?

– Si vous m’aimiez, si vous m’adoriez, Thibault, qui donc vous a empêché de m’épouser ?

– L’esprit du mal, murmura Thibault.

– Moi, je vous aimais, continua la jeune femme, et j’ai cruellement souffert en vous attendant.

Thibault poussa un soupir.

– Vous m’aimiez, Agnelette ? dit-il.

– Oui, répondit la jeune femme avec sa douce voix et son charmant regard.