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tour de lui les cadavres de ses plus nobles et de ses plus fidèles serviteurs.

Le seigneur Jean, comme ces généreux Romains qui épuisaient contre les Carthaginois toujours renaissants toutes les ressources de l’art militaire, le seigneur Jean changea de tactique, et essaya des battues. Il convoqua le ban et l’arrière-ban des paysans et traqua les bois en nombre formidable, de manière à ne pas laisser un lièvre au gîte à l’endroit où les traqueurs avaient passé.

Mais c’était l’affaire de Thibault de prévoir ces traques et de deviner les endroits où elles devaient avoir lieu.

Traquait-on du côté de Viviers ou de Soucy, les loups et leur meneur faisaient une excursion sur Boursonnes ou Yvors.

Traquait-on du côté d’Haramont ou de Longpré, on avait connaissance d’eux à Corcy et à Vertefeuille.

Le seigneur Jean avait beau se rendre de nuit aux triages indiqués, les cerner dans le plus grand silence, les attaquer au point du jour, jamais les traqueurs ne purent débusquer un seul loup de son liteau.

Pas une seule fois la surveillance de Thibault ne fut mise en défaut.

Avait-il mal entendu, avait-il mal compris, ignorait-il l’endroit de l’attaque, par des courriers expédiés au commencement de la nuit, il rassemblait tous les loups sur un point ; puis, avec eux, passait sans être vu par la laie de Lisart-l’Abbesse, qui réunit ou plutôt qui, à cette époque, réunissait la forêt de Compiègne à la forêt de Villers-Cotterêts ; il passait d’une forêt à l’autre.

Cela dura ainsi pendant plusieurs mois.

Comme faisait le baron Jean de son côté, Thibault poursuivait du sien la tâche qu’il s’était donnée avec une énergie passionnée ; comme son adversaire, il semblait avoir acquis des forces surnaturelles pour ré-