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il sautait sur les arbres inclinés de façon à doubler la besogne des hommes et des chiens ; enfin, lorsqu’il sentait ses forces diminuer, il prenait un grand parti et se forlongeait. La troupe de loups et son meneur intervenaient alors : au moindre balancer, il se donnait un change si adroitement combiné, qu’à des signes imperceptibles on pouvait seulement juger que les chiens ne suivaient plus l’animal en meute, et qu’il ne fallait pas moins que la profonde expérience du seigneur Jean pour en décider.

Et encore parfois se trompait-il.

En outre, comme nous l’avons dit, les loups suivaient les chasseurs : c’était une meute qui en chassait une autre.

Seulement, celle-là, chassant à la muette, était infiniment plus redoutable que la première.

Un chien fatigué restait-il en arrière, un autre, en bricolant, s’écartait-il du gros de l’équipage, il était à l’instant même étranglé, et le piqueur qui avait remplacé le pauvre Marcotte, maître Engoulevent, que nous avons déjà eu l’occasion de nommer plusieurs fois, étant un jour accouru au cri de détresse que poussait l’un de ses chiens, fut assailli lui-même et ne dut son salut qu’à la vitesse de son cheval.

En peu de temps, la meute du seigneur Jean fut décimée ; ses meilleurs chiens étaient crevés de fatigue, les médiocres avaient péri sous la dent des loups. L’écurie n’était point en meilleur état que le chenil : Bayard était fourbu, Tancrède s’était donné une nerf-férure en sautant un fossé, un effort de boulet reléguait Valeureux aux invalides ; plus heureux que ses trois compagnons, Sultan était mort au champ d’honneur, écrasé par une course de seize heures et par le poids du géant son maître, dont le courage n’était point abattu par des revers qui cependant amoncelaient au-