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dormait dans leurs tanières ; il vivait au milieu d’eux, stimulant leur soif de sang et de meurtres.

Plus d’une faiseuse de bois, plus d’un ramasseur de bruyères, rencontrant dans un hallier la gueule menaçante d’un loup aux dents blanches et aiguës, ou fut emporté et dévoré par lui, ou, ne dut son salut qu’à son courage et à sa bonne serpe.

Secondés par l’intelligence humaine, les loups étaient devenus, par leur organisation et leur discipline, plus redoutables que ne l’eût été une bande de lansquenets abattus en pays conquis.

La terreur était générale ; nul n’osait plus sortir des villes ou des villages autrement qu’armé ; on nourrissait les bestiaux dans les étables, et les hommes eux-mêmes, lorsqu’ils sortaient, s’attendaient les uns les autres, afin de ne sortir que par troupes.

L’évêque de Soissons ordonna des prières publiques pour demander à Dieu le dégel et la fonte des neiges, car c’était à la quantité de neige qui était tombée que l’on attribuait cette férocité inaccoutumée des loups.

On disait bien que ces loups étaient excités, conduits, menés par un homme ; que cet homme était plus infatigable, plus cruel, plus inexorable que les loups eux-mêmes ; qu’à l’instar de ses compagnons, il vivait de chairs palpitantes et se désaltérait dans le sang.

Le peuple désignait, nommait Thibault.

L’évêque lança contre l’ancien sabotier un édit d’excommunication.

Quand au seigneur Jean, il prétendait que les foudres de l’Église ne prévaudraient contre les malins esprits qu’autant qu’elles viendraient après des laisser-courre habilement conduits.

Il était bien un peu triste de tant de sang répandu, un peu humilié de ce que ses bestiaux à lui, grand louvetier, étaient tout particulièrement décimés par