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res écoulés avec une assez grande rapidité pour que les sujets de réflexion ne manquassent pas au sabotier.

Seulement, ces dernières vingt-quatre heures, où il avait vécu d’une autre vie que la sienne, lui semblaient un rêve.

Il n’aurait point osé jurer que toute cette histoire du baron Raoul, de la comtesse Jane et du seigneur de Mont-Gobert fût vraie.

Il releva la tête en entendant tinter l’heure à l’église d’Oigny.

C’étaient dix heures qui sonnaient.

Dix heures !

À neuf heures et demie, il était encore couché agonisant, sous la forme du baron Raoul, dans la chambre du curé de Puiseux.

– Ah ! pardieu ! dit-il, il faut que j’en aie le cœur net ! Il y a une lieue à peine d’ici à Puiseux : en une demi-heure j’y serai ; je veux m’assurer si le baron Raoul est vraiment bien mort.

Un lugubre hurlement répondit à cette question que Thibault se faisait à lui-même.

Il regarda autour de lui.

Ses fidèles gardes du corps étaient revenus.

Le meneur de loups avait retrouvé sa meute.

– Allons ! loups, mes seuls amis, allons ! dit-il, en route !

Et il piqua avec eux à travers bois, dans la direction de Puiseux. Les valets du seigneur Jean, qui remuaient les derniers restes de la cabane en flammes, virent passer comme une vision un homme qui courait à la tête d’une douzaine de loups.

Ils se signèrent.

Plus que jamais ils furent convaincus que Thibault était sorcier.