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Il se vit attaché au chêne et recevant les coups de ceinturon.

Il se vit faisant avec le loup noir le pacte qu’il subissait.

Il se vit essayant de passer la bague infernale au doigt d’Agnelette.

Il se vit essayant d’arracher ses cheveux rouges, qui avaient maintenant envahi le tiers de sa tête.

Il se vit allant chez la belle meunière, rencontrant Landry, se débarrassant de son rival, poursuivi par les garçons et les filles du moulin, et suivi par les loups.

Il se vit faisant connaissance avec madame Magloire, allant à la chasse pour elle, mangeant sa part de cette chasse, se cachant derrière les rideaux de sa chambre, découvert par maître Magloire, raillé par le seigneur Jean, éconduit par tous trois.

Il se vit dans son arbre creux, avec ses loups couchés tout autour de l’arbre, les hiboux et les chouettes perchés dans les branches.

Il se vit prêtant l’oreille, écoutant les sons des violons et du hautbois, sortant sa tête de son trou, regardant passer Agnelette et la joyeuse noce.

Il se vit en proie à toutes les colères de la jalousie, essayant de lutter contre elle à l’aide du vin ; à travers son cerveau troublé, il reconnaissait François, Champagne, l’aubergiste ; il entendait le galop du cheval du baron Raoul, il se sentait heurté et roulant dans la boue du chemin.

Puis il cessait de se voir, lui, Thibault.

Il ne voyait plus que le beau cavalier dont il avait pris la forme.

Il serrait la taille de Lisette.

Il effleurait de ses lèvres la main de la comtesse.

Puis il voulait fuir ; mais il se trouvait dans un carrefour où il n’y avait que trois chemins.