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– Oui, mon enfant, c’est moi, répondit Thibault en mettant pied à terre.

– Madame avait grand-peur que cet ivrogne de Champagne ne vous eût pas remis sa lettre.

– Elle avait tort ; Champagne a été d’une exactitude exemplaire.

– Allons ! laissez là votre cheval et venez.

– Mais qui va en avoir soin ?

– Celui qui en a soin d’habitude, maître Cramoisi.

– C’est juste, dit Thibault comme si ces détails lui étaient familiers, Cramoisi en aura soin.

– Allons, allons, répéta la suivante, dépêchons-nous, ou madame dirait encore que nous nous sommes arrêtés dans les corridors.

Et, en disant ces mots, qui rappelaient à Thibault une phrase de la lettre adressée à Raoul, la chambrière riait, et, en riant, montrait des dents blanches comme des perles.

Thibault eut bien envie cette fois de s’arrêter, non dans les corridors, mais dans le parc. Mais la chambrière resta suspendue sur un pied et l’oreille au vent.

– Qu’y a-t-il ? lui demanda Thibault.

– Il me semble que j’ai entendu crier une branche sous le pied de quelqu’un.

– Bon ! dit Thibault, c’est sous le pied de Cramoisi.

– Raison de plus pour que vous soyez sage, monsieur Raoul… ici du moins.

– Je ne comprends pas.

– Est-ce que Cramoisi n’est pas mon fiancé ? Voyons !

– Ah ! si fait ! mais, toutes les fois que je me trouve seul avec toi, ma petite Rose, je ne m’en souviens plus.

– Voilà que je m’appelle Rose, à présent ! Monsieur le baron, je n’ai jamais vu d’homme plus oublieux que vous.