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secondes auparavant, gratifié du coup de cravache sous lequel frissonnaient encore ses épaules, Thibault, tout joyeux, prit ses jambes à son cou et courut pour voir l’état dans lequel se trouvait M. Raoul de Vauparfond.

Un corps privé de mouvement était étendu au beau travers du chemin, et le cheval renâclait tout à côté.

Mais, chose qui parut des plus extraordinaires à Thibault, c’est que le corps étendu au travers du chemin ne lui semblait plus être le même qui, cinq minutes auparavant, avait passé près de lui et lui avait cinglé un si violent coup de cravache.

D’abord, ce corps était vêtu, non plus en seigneur, mais en paysan.

En outre, il sembla à Thibault que les habits dont ce même corps était couvert étaient ceux que lui, Thibault, portait un instant auparavant.

Sa surprise alla croissant et monta jusqu’à la stupéfaction lorsqu’il aperçut que ce corps inerte, et qui paraissait complètement privé de sentiment, avait non seulement ses habits, mais encore son visage.

Dans son étonnement, Thibault reporta naturellement les yeux de ce second Thibault sur lui-même, et il remarqua qu’un changement notable s’était opéré dans son costume.

Ses jambes, au lieu de souliers et de guêtres, étaient chaussées d’une élégante paire de bottes à la française venant au genou, souples comme des bas de soie, plissées sur le cou-de-pied et ornées de fins éperons d’argent.

Sa culotte, au lieu d’être de velours à côtes, était du plus beau daim tanné qui se pût voir, serrée à la jarretière par de petites boucles d’or.

Sa redingote de gros drap de Louviers couleur olive avait fait place à un élégant habit de chasse vert, avec