Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/221

Cette page a été validée par deux contributeurs.

contribua point à remettre en équilibre sa raison, déjà tant soit peu chancelante.

À neuf heures, Thibault appela le restaurateur, régla son compte et partit.

Thibault était en mauvaise disposition d’esprit contre l’humanité tout entière.

L’idée à laquelle il avait voulu échapper l’obsédait.

Agnelette, au fur et à mesure que le temps s’écoulait, lui échappait de plus en plus.

Ainsi, tout le monde, femme ou maîtresse, avait un être qui l’aimait.

Ce jour, qui était un jour de rage et de désespoir pour lui, allait être un jour de joie et de bonheur pour tout le monde.

Chacun à cette heure, le seigneur Raoul, François, Champagne, deux misérables laquais, chacun suivait l’étoile lumineuse du bonheur.

Lui seul allait bronchant dans la nuit.

Il était donc décidément maudit.

Mais, s’il était maudit, les plaisirs des maudits lui revenaient alors, et il avait bien le droit, pensait-il, de réclamer ces plaisirs-là.

En roulant ces réflexions dans sa tête, en blasphémant tout haut, en menaçant du poing le ciel, Thibault suivait dans la forêt la route qui conduisait tout droit à sa cabane, dont il n’était plus qu’à une centaine de pas, quand il entendit derrière lui le galop d’un cheval.

– Ah ! ah ! dit Thibault, voilà le seigneur de Vauparfond qui va à son rendez-vous. Je rirais bien, sire Raoul, si le seigneur de Mont-Gobert vous surprenait ! Cela ne se passerait pas comme avec maître Magloire ; là, il y aurait des coups d’épée reçus et donnés.

Tout préoccupé de ce qui se passerait si le comte de Mont-Gobert surprenait le baron de Vauparfond, Thi-