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Il croyait bien que, du moment où il parlerait à son tour, il prendrait facilement sa revanche.

Il pensa que le moment était venu.

D’un ton goguenard, – qui prouvait qu’il s’habituait peu à peu à dialoguer avec des gens d’une condition supérieure à la sienne –, il s’écria donc :

– Par les cornes du diable ! comme vous disiez il n’y a qu’un instant, monseigneur, savez-vous bien que vous jasez sans miséricorde, et que, si tout le monde faisait comme vous, je ne serais peut-être pas aussi embarrassé que je veux bien le paraître !

Le seigneur Jean répondit à cette menace de Thibault, fort claire pour lui et pour la baillive, en toisant le sabotier avec des regards gros de courroux.

– Oh ! dit un peu imprudemment madame Magloire, il va inventer, vous allez voir, quelque vilenie contre moi.

– Soyez tranquille, madame, dit Thibault, qui avait complètement repris son aplomb, en fait de vilenies, vous ne m’avez rien laissé à inventer.

– Oh ! le méchant esprit ! s’écria celle-ci ; vous le voyez, je ne me trompais pas : il a trouvé quelque calomnie à débiter sur mon compte ; il veut se venger du dédain que j’ai fait de ses doux yeux, me punir de ce que je n’ai point voulu avertir mon mari qu’il me courtisait.

Pendant que dame Suzanne parlait ainsi, le seigneur Jean avait ramassé son épée et s’avançait vers Thibault. Mais le bailli se jeta entre eux deux et retint le bras du seigneur Jean.

Ce fut heureux, car Thibault ne faisait pas un pas en arrière pour éviter le coup, et sans doute, par quelque souhait terrible, allait prévenir le danger qui le menaçait.