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– Oui, dit le bailli, comment s’en était-elle aperçue ? Je ne m’en étais pas aperçu, moi.

– Vous vous en fussiez aperçu, compère, si vous aviez regardé sous la table ; mais, gourmand que vous êtes, vous ne pouviez à la fois regarder dessus et dessous.

– Le fait est, monseigneur, que nous avions un souper parfait ! Imaginez-vous des côtelettes de marcassin…

– Eh bien, dit le seigneur Jean, voilà que vous allez me dire votre souper, au lieu d’écouter la suite de mon récit, d’un récit dans lequel la vie et l’honneur de votre femme sont compromis !

– Ah ! en effet, pauvre Suzanne ! Monseigneur, aidez-moi à lui ouvrir les mains, afin que je tape dedans.

Le seigneur Jean prêta aide et assistance au bailli, et leurs forces réunies parvinrent à contraindre dame Magloire à ouvrir la main.

Le bonhomme, un peu plus tranquille, se mit à taper avec sa main potelée dans la main de sa femme, tout en prêtant l’oreille à la suite de l’intéressant et véridique récit du seigneur Jean.

– Où en étais-je ? demanda le narrateur.

– Monseigneur, vous en étiez au moment où ma pauvre Suzanne, que l’on peut bien appeler la chaste Suzanne…

– Oh ! vous pouvez vous en vanter ! fit le seigneur Jean.

– Et je m’en vante ! Vous en étiez au moment où ma pauvre Suzanne s’aperçut…

– Oui, oui, que, pareil au berger Pâris, votre hôte voulait faire de vous un autre Ménélas ; alors elle se leva… Vous rappelez-vous qu’elle se soit levée ?

– Non, j’étais peut-être un peu… un peu… ému.

– C’est cela ! Alors elle se leva, et remarqua qu’il était l’heure de se retirer.