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– Oh ! prenez garde, monseigneur, fit la voix de dame Suzanne ; si bien que dorme mon mari, si vous faites un pareil bruit, vous allez le réveiller.

– Par la corne du diable ! ma belle amie, répondit l’inconnu, dont Thibault reconnut la voix pour être celle avec laquelle il avait dialogué l’autre nuit, je ne suis pas un oiseau ! Cependant, lorsque j’étais en bas de votre fenêtre, attendant l’heure du berger et le cœur tout endolori par l’attente, il me semblait qu’il allait me pousser des ailes pour me porter dans cette tant souhaitée petite chambrette.

– Oh ! répondit dame Magloire en minaudant, de mon côté, j’étais bien triste aussi, monseigneur, de vous laisser vous morfondre au vent d’hiver… Mais ce convive que nous avions ce soir nous a quittés il n’y a pas plus d’une demi-heure.

– Et, depuis cette demi-heure, qu’avez-vous fait, ma belle amie ?

– Il a fallu assister M. Magloire, monseigneur, et s’assurer qu’il ne viendrait pas nous déranger.

– Vous avez toujours raison, Suzanne de mon cœur !

– Monseigneur est trop bon, répondit la baillive.

Nous devrions dire : « voulut répondre », car ces derniers mots furent écrasés comme si un corps étranger venait se poser sur les lèvres de la dame et l’empêchait de continuer. En même temps, Thibault entendit un bruit qui lui parut ressembler fort à celui d’un baiser. Le malheureux comprit toute l’étendue de la nouvelle déception à laquelle il semblait réservé.

Ses réflexions furent interrompues par la voix du nouveau venu, qui toussa deux ou trois fois.

– Si nous fermions la fenêtre, ma mie ? dit cette voix, dont la toux n’avait été que le prélude.

– Oh ! monseigneur, excusez-moi, dit dame Magloire, mais ce devrait déjà être fait.