Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/179

Cette page a été validée par deux contributeurs.

– Ah ! vraiment !… fit Thibault ne sachant trop que répondre.

– Il m’avait semblé l’autre jour, continua dame Suzanne, que vos cheveux étaient aussi noirs que mon mantelet de velours ; et cependant je vous prie de croire que je ne laissai pas que de vous considérer avec grande attention, monsieur Thibault.

Cette dernière phrase, en lui rendant ses espérances, rendit Thibault à sa belle humeur.

– Ventre-gai ! madame, répliqua-t-il, « dans un rousseau, dit le proverbe, gît un cœur chaud » ; tandis qu’un autre proverbe dit : « Sabot bien fin et bien paré, parfois cache fente et morceaux. »

Madame Magloire fit la grimace à ce proverbe de saboterie. Mais, comme cela arrivait souvent au bailli, il ne fut point, en cette occasion, de l’avis de sa femme.

– Mon compère Thibault parle d’or, dit-il, et je n’irai pas bien loin pour trouver à appointer ses proverbes… Voici, sur ma parole, une soupe lyonnaise qui, certes, ne payait pas de mine, et cependant jamais oignon et pain frit à la graisse d’oie ne réjouirent davantage mes entrailles.

À partir de ce moment, il ne fut plus question de la mèche flamboyante de Thibault.

Cependant les grands yeux de dame Suzanne semblaient invinciblement attirés vers cette diablesse de mèche, et, chaque fois que le regard railleur de la baillive croisait le sien, Thibault croyait surprendre sur ses lèvres une réminiscence du rire qui naguère l’avait mis si mal à l’aise.

Cela l’agaçait.

Malgré lui, à chaque instant, il portait la main à ses cheveux, essayant de dissimuler la mèche fatale sous les autres cheveux.