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pâté, les faisans aux truffes, les perdrix rouges à la Vaupalière, et cela avec tant de feu et d’expression, que, rien qu’à l’entendre, l’eau fût venue à la bouche de tout gourmand.

L’enthousiasme du digne bailli fit comparativement paraître dame Suzanne un peu froide.

Cependant elle fit acte d’initiative et de gracieuseté lorsqu’elle déclara à Thibault qu’elle ne le laisserait point retourner à ses métairies avant que toutes les provisions dont, grâce à lui, le garde-manger allait regorger, fussent entièrement consommées.

On juge si Thibault fut aise de voir la dame aller ainsi au-devant de ses plus chers désirs.

Il se promit monts et merveilles de ce séjour à Erneville, et fut le premier, tant son humeur était joyeuse, à inviter M. Magloire à lui offrir quelque boisson apéritive qui préparât leurs estomacs à recevoir dignement les mets savoureux qu’allait leur brasser mademoiselle Perrine.

Maître Magloire fut tout réjoui de voir que Thibault n’avait rien oublié, pas même le nom de la cuisinière.

On fit monter du vermouth.

C’était une boisson encore fort inconnue en France, que monseigneur le duc d’Orléans faisait venir de Hollande et dont le maître d’hôtel de Son Altesse Sérénissime dotait gracieusement son prédécesseur.

Thibault fit la grimace.

Il trouvait que la boisson exotique ne valait pas un joli petit chablis national.

Mais, quand maître Magloire lui eut dit que, grâce à ce miraculeux breuvage, il aurait dans une heure un appétit féroce, il ne fit plus aucune observation et aida complaisamment le bailli à finir sa bouteille.

Quant à dame Suzanne, elle était remontée à son appartement pour faire ce que les femmes appellent