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Elle descendit donc précipitamment, afin de pouvoir juger de la chose par elle-même.

Elle trouva son mari fou de joie, trottinant tout autour de la table, laquelle présentait, il faut bien le dire, le plus réjouissant spectacle qui se pût offrir à l’œil d’un gourmand.

Dès que Suzanne parut :

– Tenez, tenez, madame ! lui cria son mari en frappant ses mains l’une contre l’autre, voyez ce que nous apporte notre ami Thibault, et remerciez-le. Vive Dieu ! en voilà un qui tient ses engagements ! Il nous promet une bourriche de gibier de sa garenne, et il nous en envoie une charretée… Donne-lui la main, embrasse-le vite, et regarde-moi cela.

Madame Magloire obéit de la meilleure grâce du monde aux ordres de son mari : elle donna la main à Thibault, se laissa embrasser par lui, et abaissa ses beaux yeux sur cette collection de victuailles qui faisait l’admiration du bailli.

Et cette collection, qui allait apporter un si agréable confort à leur ordinaire habituel, était bien digne d’admiration, en effet.

C’étaient d’abord, et comme pièces principales, une hure et un cuissot de sanglier, à la chair ferme et savoureuse ; c’était une belle chevrette de trois ans, laquelle devait être tendre comme la rosée qui, la veille encore, perlait sur l’herbe broutée par elle ; c’étaient des lièvres au râble épais et charnu, de vrais lièvres des bruyères de Gondreville, nourris de thym et de serpolet ; enfin des faisans si parfumés, des perdrix rouges si délicates, qu’une fois en broche, on oubliait, au fumet de leur chair, la magnificence de leur plumage.

Or, l’imagination du gros petit bonhomme dévorait tout cela d’avance : elle mettait le sanglier en carbonnade, la chevrette à la sauce piquante, les lièvres en