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prunta à un charbonnier, sous prétexte de porter ses sabots à la ville, et se mit en route pour Villers-Cotterêts, où il vendit au giboyeur une partie de son butin, réservant, pour les offrir à madame Magloire, les pièces les plus fines et les moins mutilées par la griffe des loups.

Il avait eu l’idée d’abord de présenter tout cela lui-même au bailli.

Mais Thibault commençait à prendre quelque teinture du monde.

Il jugea qu’il était plus convenable de se faire précéder par son cadeau, chargea un paysan de tout ce gibier, lui donna une pièce de trente sous, et l’expédia au bailli d’Erneville avec un simple papier sur lequel il y avait :

« De la part de M. Thibault. »

Quant à lui, il devait suivre de près son message.

Il le suivit de si près, en effet, qu’il arriva comme maître Magloire faisait étaler sur une table le gibier qu’il venait de recevoir.

Et, comme le bailli était dans toute la chaleur de sa reconnaissance, il tendit ses petits bras à son ami de l’avant-veille, et essaya de le serrer sur son cœur, en poussant de grands cris de joie.

Nous disons essaya, attendu que deux choses s’opposaient à ce désir : l’exiguïté de ses bras et la rotondité de son abdomen.

Mais il pensa que, là où il était insuffisant, madame Magloire pouvait l’aider.

Il courut à la porte et appela de toutes ses forces :

– Suzanne ! Suzanne !

Il y avait une expression si extraordinaire dans la voix du bailli, que sa femme jugea qu’il était arrivé quelque chose de nouveau, sans pouvoir reconnaître cependant si c’était en bien ou en mal.