Un jour, Mocquet entra dès le matin dans la chambre de mon père, encore couché, et se planta devant son lit, debout et ferme comme un poteau de carrefour.
– Eh bien, Mocquet, lui demanda mon père, qu’y a-t-il, et qui me procure l’avantage de te voir de si bon matin ?
– Il y a, général, répondit gravement Mocquet, il y a que je suis cauchemardé.
Mocquet, sans s’en douter, avait enrichi la langue française d’un double verbe actif et passif.
– Tu es cauchemardé ? Oh ! oh ! fit mon père en se soulevant sur le coude, c’est grave, cela, mon garçon.
– C’est comme cela, mon général.
Et Mocquet tira son brûle-gueule de sa bouche, ce qu’il ne faisait que rarement et dans les grandes occasions.
– Et depuis quand es-tu cauchemardé, mon pauvre Mocquet ? demanda mon père.
– Depuis huit jours, général.
– Et par qui, Mocquet ?
– Oh ! je sais bien par qui, répondit Mocquet, les dents d’autant plus serrées que son brûle-gueule était à sa main, et sa main derrière son dos.
– Mais, enfin, peut-on le savoir ?
– Par la mère Durand, d’Haramont, qui, vous ne l’ignorez pas, général, est une vieille sorcière.
– Si fait, je l’ignorais, Mocquet, je te jure.