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IV


Un jour, Mocquet entra dès le matin dans la chambre de mon père, encore couché, et se planta devant son lit, debout et ferme comme un poteau de carrefour.

– Eh bien, Mocquet, lui demanda mon père, qu’y a-t-il, et qui me procure l’avantage de te voir de si bon matin ?

– Il y a, général, répondit gravement Mocquet, il y a que je suis cauchemardé.

Mocquet, sans s’en douter, avait enrichi la langue française d’un double verbe actif et passif.

– Tu es cauchemardé ? Oh ! oh ! fit mon père en se soulevant sur le coude, c’est grave, cela, mon garçon.

– C’est comme cela, mon général.

Et Mocquet tira son brûle-gueule de sa bouche, ce qu’il ne faisait que rarement et dans les grandes occasions.

– Et depuis quand es-tu cauchemardé, mon pauvre Mocquet ? demanda mon père.

– Depuis huit jours, général.

– Et par qui, Mocquet ?

– Oh ! je sais bien par qui, répondit Mocquet, les dents d’autant plus serrées que son brûle-gueule était à sa main, et sa main derrière son dos.

– Mais, enfin, peut-on le savoir ?

– Par la mère Durand, d’Haramont, qui, vous ne l’ignorez pas, général, est une vieille sorcière.

– Si fait, je l’ignorais, Mocquet, je te jure.