Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.

– Gourmet, gourmet, point gourmand ; ne pas confondre. Je passe devant, mais c’est pour vous montrer le chemin.

Et, ce disant, maître Magloire passait en effet du salon dans la salle à manger.

– Ah ! fit-il en entrant et en frappant joyeusement des mains sur sa bedaine, dites-moi si cette fille n’est pas un cordon bleu digne de servir un cardinal ? Voyez-moi l’aspect de ce petit souper ; il est bien simple, et cependant il me réjouit plus la vue que n’eût fait, certes, le festin de Balthazar.

– Par ma foi ! dit Thibault, vous avez raison, bailli, et voilà un réjouissant spectacle.

Et les yeux de Thibault commencèrent, de leur côté, à briller comme des escarboucles.

Et cependant c’était, ainsi que le disait le bailli, un petit souper, mais si appétissant, que c’était merveilleux.

Il se composait d’une belle carpe cuite au bleu avec sa laitance couchée de chaque côté d’elle sur un lit de persil tout constellé de branches de carottes.

Elle tenait un des bouts de la table. L’autre bout était occupé par un jambon de bête rousse, ou, pour ceux qui ne seraient pas familiers avec cette dénomination, de sanglier d’un an, moelleusement posé sur un plat d’épinards, nageant comme une île de verdure dans un océan de jus.

Le milieu était occupé par un fin pâté de perdreaux, de deux perdreaux seulement, dont chacun passait la tête par la croûte supérieure et paraissait prêt à attaquer son adversaire à coups de bec.

Les intervalles étaient remplis par des raviers contenant des tranches de saucisson d’Arles, des carrés de thon baignant dans une belle huile verte de Provence ; des filets d’anchois traçant des caractères in-