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s’est réfugiée l’anguille, se séchant peu à peu, comme une éponge que l’on presse, devient peu à peu inhabitable pour elle, et qu’elle est, au bout du compte, obligée de chercher son élément naturel, l’eau.

Une fois l’eau trouvée, elle est perdue.

Ce n’est que le cinquième ou sixième jour, après l’étang vidé, que l’on met la main sur les anguilles.

C’était donc à une fête semblable qu’était conviée toute la société de Villers-Cotterêts, de Crespy, de Mont-Gobert et des villages environnants. Thibault s’y rendit comme les autres.

Thibault ne travaillait plus ; il trouvait plus simple de faire travailler ses loups pour lui.

D’ouvrier, Thibault s’était fait bourgeois.

Il ne lui restait plus qu’à se faire, de bourgeois, gentilhomme. Il y comptait bien.

Thibault n’était pas homme à se tenir derrière les autres.

Aussi commença-t-il à jouer des bras et des jambes pour se faire une place au premier rang.

En exécutant cette manœuvre, il froissa la robe d’une grande et belle femme près de laquelle il essayait de s’installer.

La dame tenait à ses hardes ; puis sans doute avait-elle l’habitude du commandement, ce qui donne naturellement celle du dédain ; car, se retournant et voyant qui la froissait, elle laissa échapper le mot manant.

Mais, malgré sa grossièreté, le mot était dit par une si belle bouche, la dame était si jolie, sa colère momentanée contrastait si vilainement avec le charme de ses traits, que Thibault, au lieu de répondre par quelque épithète de même calibre et même d’un calibre supérieur, se contenta de se reculer en balbutiant une manière d’excuse.