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Puis, la porte tirée et verrouillée, il poussa contre elle le bahut, afin de la consolider et de la mettre en état de résister à un assaut.

Puis il tomba sur une chaise et commença seulement de respirer à pleine haleine.

Lorsqu’il fut un peu remis de son trouble, il s’en alla regarder au carreau qui donnait sur la forêt.

Une ligne de regards flamboyants lui démontra que, loin de faire retraite, les loups s’étaient symétriquement rangés en file devant sa demeure.

Ce voisinage eût été encore très effrayant pour tout autre ; mais Thibault, qui, il y avait quelques instants, marchait escorté de toute la terrible bande, se sentait réconforté en songeant qu’une muraille, si mince qu’elle fût, le séparait de ses maussades compagnons de route.

Thibault alluma sa petite lampe de fer et la posa sur la table.

Il rassembla les tisons épars dans le foyer, jeta sur ces tisons un tas de copeaux et fit un grand feu, dont la réverbération, il l’espérait ainsi, devait faire fuir les loups.

Mais les loups de Thibault étaient sans doute des loups particuliers, familiarisés avec la flamme.

Ils ne bougèrent pas du poste qu’ils s’étaient choisi.

Aux premières lueurs de l’aube, Thibault, que l’inquiétude avait tenu éveillé, put les revoir et les compter.

Comme la veille, ils paraissaient attendre, les uns assis, les autres couchés, ceux-ci sommeillant, ceux-là se promenant comme des sentinelles.

Mais enfin, lorsque la dernière étoile se noya et se fondit dans les flots de lumière empourprée qui montaient de l’orient, tous les loups se levèrent à la fois, et, poussant cette espèce de hurlement lugubre avec lequel les animaux des ténèbres saluent le jour, ils se dispersèrent de côté et d’autre et disparurent.