Page:Dumas - Le Meneur de loups (1868).djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.

regardant derrière lui pour savoir s’il aurait besoin d’en faire usage, Thibault avait gagné les derrières de Pisseleu, et la nuit était venue.

Nuit d’automne sombre et orageuse, pendant laquelle le vent, qui arrache aux arbres leurs feuilles jaunissantes, promène dans la forêt des bruits lamentables et des plaintes lugubres.

Ces clameurs funèbres du vent étaient de temps en temps coupées par le houhoulement des hiboux, dont le cri semble celui des voyageurs égarés qui s’appellent et se répondent.

Tous ces bruits étaient familiers à Thibault et ne l’impressionnaient que médiocrement.

D’ailleurs, il avait eu le soin, en arrivant à la lisière de la forêt, d’y couper un bâton de châtaignier de quatre pieds de long, et, familier comme il l’était avec l’exercice du bâton à deux bouts, Thibault, armé de sa canne, n’eût pas craint l’attaque de quatre hommes.

Il entra donc hardiment dans la forêt, à l’endroit que l’on appelle encore aujourd’hui la Bruyère-aux-Loups.

Il cheminait depuis quelques minutes dans une laie étroite et obscure, tout en maudissant la bizarrerie des femmes qui préfèrent, sans raison aucune, un enfant débile et timide à un vigoureux et hardi compère, lorsqu’il entendit, à une vingtaine de pas derrière lui, le bruit des feuilles qui craquaient.

Il se retourna.

Dans l’obscurité, il vit d’abord, et avant tout, deux yeux qui luisaient comme des charbons ardents.

Puis, en y regardant plus attentivement, et en forçant, pour ainsi dire, ses yeux à distinguer dans les ténèbres, il vit un grand loup qui le suivait pas à pas.

Ce n’était pas celui qu’il avait reçu dans sa cabane.

Le loup de la cabane était noir, et celui-ci était roux.