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courir comme un furieux la cour du moulin, cassant, brisant, renversant tout ce qui pouvait faire obstacle à son passage.

Les garçons de moulin et les filles de ferme, accourus aux cris de leur maîtresse, crurent que ce qui motivait ces cris, c’était la frénésie du pourceau, – et ils se mirent à sa poursuite.

Mais inutilement ils tentèrent de se rendre maîtres de l’animal.

Celui-ci renversa garçons et filles les uns après les autres, comme il avait renversé Thibault, jusqu’à ce qu’enfin, passant à travers une cloison qui séparait le moulin de l’écluse aussi facilement que si ç’eût été une tenture de papier, il se précipitât sous la roue…

Il y disparut comme dans un gouffre.

La meunière, pendant ce temps, avait retrouvé la parole.

– Tombez sur Thibault ! criait-elle, car elle avait entendu la malédiction que le sabotier avait envoyée à son pourceau, et elle était restée confondue de la promptitude avec laquelle ce souhait s’était accompli.

– Tombez sur Thibault ! assommez-le ! c’est un magicien ! c’est un sorcier ! c’est un loup-garou !

Et, avec cette dernière qualification, elle donnait à Thibault la plus terrible épithète que, dans nos forêts, on puisse donner à un homme.

Thibault, qui ne se sentait pas la conscience bien nette, profita du premier moment de stupeur que cette invective de la meunière fit naître dans l’esprit de ses gens.

Il passa au milieu des filles et des garçons, et, tandis que celui-ci cherchait une fourche, celui-là une pelle, il franchit la porte du moulin, et se mit, avec une facilité qui ne fit que confirmer les soupçons de la belle meunière, à monter à grande course une montagne à