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Thibault eût bien insisté pour savoir de quel malheur parlait Landry ; mais on approchait du moulin, et une explication, en supposant qu’elle eût eu son commencement, n’aurait pas eu sa fin.

D’ailleurs, Thibault, à son avis, en savait assez.

Landry aimait la belle meunière, mais la belle meunière n’aimait pas Landry.

Et, en effet, un tel rival lui semblait peu dangereux.

Il comparait avec un certain orgueil, suivi d’une satisfaction intérieure, la mine enfantine et chétive de son cousin, jeune gars de dix-huit ans, avec ses cinq pieds six pouces et sa taille bien prise ; ce qui l’amenait tout naturellement à penser que, pour peu que madame Polet fût une femme de goût, l’insuccès de Landry était une raison pour que sa réussite, à lui, fût infaillible.

Le moulin de Coyolles est situé dans une position charmante au fond d’une fraîche vallée ; l’eau qui l’alimente, et qui forme un petit étang, est ombragée par des saules aux têtes monstrueuses et par des peupliers élancés ; les arbres nains et les arbres géants sont reliés entre eux par de magnifiques aunes et par d’immenses noyers au feuillage odoriférant. Après avoir fait tourner la roue du moulin, l’eau écumeuse s’écoule par un petit ruisseau qui chante son hymne éternel en bondissant sur les cailloux de son lit et en constellant, des diamants liquides qui jaillissent de ses cascatelles, les fleurs qui se penchent coquettement pour se mirer dans les eaux.

Quant au moulin, il est si bien perdu dans un bouquet de plantes, de sycomores et de saules pleureurs, qu’à cent pas de distance on n’en aperçoit que la cheminée, d’où sort la fumée en montant à travers les arbres comme une colonne d’albâtre azurée.

Le site, quoique bien connu de Thibault, lui causa