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Seulement, elle regardait Thibault d’un œil de plus en plus effaré. Thibault ne savait pas ce qu’elle regardait.

Mais elle leva lentement la main jusqu’à la tête de Thibault, et, le doigt étendu :

– Oh ! monsieur Thibault, dit-elle, oh ! monsieur Thibault, qu’avez-vous donc là ?

– Où ? demanda Thibault.

– Là ! là ! dit Agnelette pâlissant de plus en plus.

– Mais, enfin, où ? s’écria le sabotier en frappant du pied la terre. Dites ce que vous voyez.

Mais, au lieu de répondre, Agnelette ramena ses mains sur ses yeux ; puis, en poussant un cri de terreur, se mit à fuir de toutes ses forces.

Thibault, tout abasourdi de ce qu’il lui arrivait, n’essaya pas même de la suivre. Il resta au même endroit, immobile, muet, interdit.

Qu’avait donc vu Agnelette de si effrayant, et que désignait-elle du doigt ?

Était-ce le sceau que Dieu avait imprimé au premier meurtrier ?

Pourquoi pas ? Comme Caïn, Thibault n’avait-il pas tué un homme, et, au dernier prêche d’Oigny, le curé n’avait-il pas dit que tous les hommes étaient frères ?

Ce doute dévorait Thibault.

Il fallait avant tout savoir ce qui avait si fort épouvanté Agnelette.

Thibault eut l’idée d’entrer à Bourg-Fontaine et de se regarder dans une glace.

Mais, s’il était véritablement marqué du signe fatal, et si ce signe fatal était vu par une autre qu’Agnelette !

Non, il fallait trouver un autre moyen.

Il y avait bien celui d’enfoncer son chapeau sur son front, de s’en retourner tout courant à Oigny et de se regarder dans un fragment de miroir.