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Et, en effet, un peu au-delà de la Ferté-Milon, il aperçut au bord du chemin la jolie Agnelette, qui faisait de l’herbe pour ses chèvres.

Il eût pu passer sans qu’elle le vît ; la chose lui était facile : elle lui tournait le dos.

Mais le démon le tenta et il marcha droit à elle.

Elle, de son côté, penchée pour couper de l’herbe avec sa faucille, entendant venir quelqu’un, leva la tête et reconnut Thibault. Elle rougit.

Mais, en rougissant, un joyeux sourire se répandit sur toute sa physionomie ; ce qui prouvait bien que cette rougeur n’avait rien d’hostile à Thibault.

– Ah ! dit-elle ; vous voilà ; j’ai bien rêvé à vous et bien prié pour vous cette nuit.

Thibault, en effet, se rappela qu’il avait vu dans ses rêves, à lui, Agnelette passant dans le ciel les mains jointes avec une robe et des ailes d’ange.

– Et à quel propos avez-vous rêvé de moi et prié pour moi, la belle enfant ? demanda Thibault d’un air aussi dégagé qu’eût pu le faire un jeune seigneur de la cour du prince.

Agnelette le regarda avec ses grands yeux couleur de ciel.

– J’ai rêvé de vous parce que je vous aime, Thibault, dit-elle ; j’ai prié pour vous parce que j’ai vu l’accident arrivé au seigneur Jean et à son piqueur, ainsi que tout l’embarras qui en était résulté pour vous… Ah ! si je n’en avais cru que mon cœur, j’aurais vivement couru à vous pour vous aider.

– Il fallait venir, Agnelette ; vous eussiez trouvé joyeuse compagnie, je vous en réponds !

– Oh ! ce n’est pas cela que j’eusse cherché, monsieur Thibault ; j’eusse cherché à vous être utile pour la recevoir. Oh ! mais qu’est-ce donc que cette belle bague que vous avez au doigt, monsieur Thibault ?