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mon Dieu ! pendant ces deux jours et ces deux nuits !… ai-je fouillé ce dossier, ai-je annoté cet acte d’accusation de l’assassin Benedetto !… Ô travail, travail ! ma passion, ma joie, ma rage, c’est à toi de terrasser toutes mes douleurs !

Et il serra convulsivement la main de d’Avrigny.

— Avez-vous besoin de moi ? demanda le docteur.

— Non, dit Villefort, seulement revenez à onze heures, je vous prie ; c’est à midi qu’a lieu… le départ… Mon Dieu ! ma pauvre enfant ! ma pauvre enfant !

Et le procureur du roi, redevenant homme, leva les yeux au ciel et poussa un soupir.

— Vous tiendrez-vous donc au salon de réception ?

— Non, j’ai un cousin qui se charge de ce triste honneur. Moi, je travaillerai, docteur ; quand je travaille, tout disparaît.

En effet, le docteur n’était point à la porte que déjà le procureur du roi s’était remis au travail.

Sur le perron, d’Avrigny rencontra ce parent dont lui avait parlé Villefort, personnage insignifiant dans cette histoire comme dans la famille, un de ces êtres voués en naissant à jouer le rôle d’utilité dans le monde.

Il était ponctuel, vêtu de noir, avait un crêpe au bras, et s’était rendu chez son cousin avec une figure qu’il s’était faite, qu’il comptait garder tant que besoin serait, et quitter ensuite.

À onze heures, les voitures funèbres roulèrent sur le pavé de la cour, et la rue du Faubourg-Saint-Honoré s’emplit des murmures de la foule également avide des joies ou du deuil des riches, et qui court à un enterrement pompeux avec la même hâte qu’à un mariage de duchesse.

Peu à peu le salon mortuaire s’emplit et l’on vit ar-