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quête allait se faire en tête à tête, oh ! soyez tranquille, je comprends très bien mon père.

Et, tout en disant cela avec cette expression de joie que nous avons signalée, les dents du procureur du roi s’entre-choquaient avec violence.

D’Avrigny prit le bras de Morrel et entraîna le jeune homme dans la chambre voisine.

Il se fit alors dans toute cette maison un silence plus profond que celui de la mort.

Enfin, au bout d’un quart d’heure, un pas chancelant se fit entendre, et Villefort parut sur le seuil du salon où se tenaient d’Avrigny et Morrel, l’un absorbé et l’autre suffoquant.

— Venez, dit-il.

Et il les ramena près du fauteuil de Noirtier.

Morrel, alors, regarda attentivement Villefort.

La figure du procureur du roi était livide ; de larges taches couleur de rouille sillonnaient son front ; entre ses doigts, une plume tordue de mille façons criait en se déchiquetant en lambeaux.

— Messieurs, dit-il d’une voix étranglée à d’Avrigny et à Morrel, messieurs, votre parole d’honneur que l’horrible secret demeurera enseveli entre nous !

Les deux hommes firent un mouvement.

— Je vous en conjure !… continua Villefort.

— Mais, dit Morrel, le coupable !… le meurtrier !… l’assassin !…

— Soyez tranquille, monsieur, justice sera faite, dit Villefort.

Mon père m’a révélé le nom du coupable ; mon père a soif de vengeance comme vous, et cependant mon père vous conjure, comme moi, de garder le secret du crime.

— N’est-ce pas, mon père ?