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— Monsieur, répliqua Villefort, essayant de lutter contre cette triple volonté et contre sa propre émotion, monsieur, vous vous trompez, il ne se commet pas de crimes chez moi ; la fatalité me frappe. Dieu m’éprouve ; c’est horrible à penser ; mais on n’assassine personne !

Les yeux de Noirtier flamboyèrent, d’Avrigny ouvrit la bouche pour parler.

Morrel étendit le bras en commandant le silence.

— Et moi je vous dis que l’on tue ici ! s’écria Morrel dont la voix baissa sans rien perdre de sa vibration terrible.

Je vous dis que voilà la quatrième victime frappée depuis quatre mois.

Je vous dis qu’on avait déjà une fois, il y a quatre jours de cela, essayé d’empoisonner Valentine, et que l’on avait échoué, grâce aux précautions qu’avait prises M. Noirtier !

Je vous dis que l’on a doublé la dose ou changé la nature du poison, et que cette fois on a réussi !

Je vous dis que vous savez tout cela aussi bien que moi, enfin, puisque monsieur que voilà vous en a prévenu, et comme médecin et comme ami.

— Oh ! vous êtes en délire ! monsieur, dit Villefort essayant vainement de se débattre dans le cercle où il se sentait pris.

— Je suis en délire ! s’écria Morrel ; eh bien ! j’en appelle à M. d’Avrigny lui-même.

Demandez-lui, monsieur, s’il se souvient encore des paroles qu’il a prononcées dans votre jardin, dans le jardin de cet hôtel, le soir même de la mort de madame de Saint-Méran, alors que tous deux, vous et lui, vous croyant seuls, vous vous entreteniez de cette mort tragique, dans laquelle cette fatalité dont vous parlez et Dieu