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Mais Morrel ne voyait rien ; il avait saisi la main glacée de Valentine, et ne pouvant parvenir à pleurer, il mordait les draps en rugissant.

Pendant quelque temps on n’entendit dans cette chambre que le conflit des sanglots, des imprécations et de la prière. Et cependant un bruit dominait tous ceux-là : c’était l’aspiration rauque et déchirante qui semblait, à chaque reprise d’air, rompre un des ressorts de la vie dans la poitrine de Noirtier.

Enfin Villefort, le plus maître de tous, après avoir pour ainsi dire cédé pendant quelque temps sa place à Maximilien, Villefort prit la parole.

— Monsieur, dit-il à Maximilien, vous aimiez Valentine, dites-vous : vous étiez son fiancé ; j’ignorais cet amour, j’ignorais cet engagement ; et cependant, moi, son père, je vous le pardonne, car, je le vois, votre douleur est grande, réelle et vraie.

D’ailleurs, chez moi aussi la douleur est trop grande pour qu’il reste en mon cœur place pour la colère.

Mais, vous le voyez, l’ange que vous espériez a quitté la terre : elle n’a plus que faire des adorations des hommes, elle qui, à cette heure, adore le Seigneur ; faites donc vos adieux, monsieur, à la triste dépouille qu’elle a oubliée parmi nous ; prenez une dernière fois sa main que vous attendiez, et séparez-vous d’elle à jamais : Valentine n’a plus besoin maintenant que du prêtre qui doit la bénir.

— Vous vous trompez, monsieur, s’écria Morrel en se relevant sur un genou, le cœur traversé par une douleur plus aiguë qu’aucune de celles qu’il eût encore ressenties, vous vous trompez ; Valentine, morte comme elle est morte, a non seulement besoin d’un prêtre, mais encore d’un vengeur.