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cupations, échangèrent, après l’avoir suivi des yeux, un regard qui voulait dire :

— Il est fou !

Mais, avant que cinq minutes se fussent écoulées, on entendit gémir l’escalier sous le poids considérable, et l’on vit Morrel qui, avec une force surhumaine, soulevant le fauteuil de Noirtier entre ses bras, apportait le vieillard au premier étage de la maison.

Arrivé au haut de l’escalier, Morrel posa le fauteuil à terre et le roula rapidement jusque dans la chambre de Valentine.

Toute cette manœuvre s’exécuta avec une force décuplée par l’exaltation frénétique du jeune homme.

Mais une chose était effrayante surtout, c’était la figure de Noirtier, s’avançant vers le lit de Valentine, poussé par Morrel, la figure de Noirtier, en qui l’intelligence déployait toutes ses ressources, dont les yeux réunissaient toute leur puissance pour suppléer aux autres facultés.

Aussi ce visage pâle, au regard enflammé, fut-il pour Villefort une effrayante apparition.

Chaque fois qu’il s’était trouvé en contact avec son père, il s’était toujours passé quelque chose de terrible.

— Voyez ce qu’ils en ont fait, cria Morrel une main encore appuyée au dossier du fauteuil qu’il venait de pousser jusqu’au lit, et l’autre étendue vers Valentine : voyez, mon père, voyez !

Villefort recula d’un pas et regarda avec étonnement ce jeune homme qui lui était presque inconnu, et qui appelait Noirtier son père.

En ce moment, toute l’âme du vieillard sembla passer dans ses yeux, qui s’injectèrent de sang ; puis les veines de son cou se gonflèrent ; une teinte bleuâtre, comme celle qui envahit la peau de l’épileptique, couvrit son